Les Pigeonniers Seigneuriaux de Plougrescant
Selon les coutumes féodales, seuls les seigneurs possédant un fief et exploitant un domaine avaient le droit de posséder un colombier. En 1488, la Duchesse Anne reconnaissait que les terres de Lezernan et Kéralio étaient des chevaleries anciennes, dotées de privilèges tels que la haute, moyenne et basse justice, des étangs, moulins, pigeonniers, métairies, garennes et chapelles.
Le pigeonnier de Lezernan, bien qu’en partie effondré du côté opposé à la route, demeure un témoignage de la seigneurie du lieu. Édifices emblématiques du prestige noble, les pigeonniers étaient bâtis avec soin. À Plougrescant, ils alternaient des blocs de granite taillés et de fines couches de schiste, une technique héritée des constructions romaines permettant d’assurer leur stabilité. Leur toiture en pierre, formant une voûte aplatie, garantissait leur longévité et symbolisait la pérennité du statut seigneurial.
Le pigeonnier de Gouermel illustre ce savoir-faire, notamment autour de sa porte rénovée, où l’on observe un remarquable appareillage pyramidal surmonté de linteaux triangulaires. En général, ces structures étaient cylindriques et contenaient des boulins, petits nids destinés aux pigeons. Leur nombre était proportionnel à la taille du domaine, chaque boulin représentant environ un demi-hectare.
Le manoir de Kergresq, ayant appartenu aux familles Du Halgouët et Henry, possédait également un pigeonnier dont la disposition des boulins est encore visible. L’intérieur, aménagé avec une échelle pivotante autour d’un axe central, facilitait leur exploitation.
Au Tourot, un manoir abritait aussi un pigeonnier, bien que partiellement écroulé et envahi par le lierre. Cette seigneurie, dont la première mention connue remonte à Pierre de Launay, sieur du Tourault vers 1534, comprenait également une chapelle et un moulin.
Le manoir de Kergrec’h possédait lui aussi un colombier, mentionné dans un aveu de 1548 par Guillaume de Kergrec’h et Louise de Botloy sous l’appellation « colombier à boullards ». Un document de 1765 en donne une description détaillée : une construction voûtée en maçonnerie avec contreforts, mesurant 4,5 mètres de diamètre et 4,15 mètres de hauteur jusqu’au larmier, avec 19 rangées de boulins et un intérieur équipé d’une échelle pivotante, d’un bassin pavé et d’une porte verrouillée.
L’évolution linguistique est perceptible dans ces archives, où le terme « boullard » a progressivement laissé place à « boulin ». Le larmier, bandeau en saillie sur la façade supérieure, empêchait les prédateurs comme les fouines et belettes d’accéder aux nids. Aujourd’hui, aucune trace visible de ce pigeonnier ne subsiste, bien qu’il ait été signalé à proximité d’une ferme métairie du domaine.
Plougrescant comptait cinq grands pigeonniers, illustrant l’importance de ces édifices dans l’organisation seigneuriale locale. Comme ailleurs en France, les cultivateurs se plaignaient des ravages causés par les pigeons sur les récoltes. Ces doléances figurent dans divers documents, notamment les cahiers de doléances, dont l’usage remonte au XIVe siècle, avec une notoriété particulière en 1789. L’abolition des privilèges lors de la nuit du 4 août mit fin à ce monopole seigneurial, et le code rural de 1791 permit même de tirer sur les pigeons durant la période des moissons.